Patrice Talon, l’autre disciple de Sankara
Patrice Talon est tout aussi pratique et pragmatique que Sankara le fut. |
Même s’il ne se proclame pas révolutionnaire comme Thomas
Sankara, Patrice Talon en a tout l’air. En ce 30è anniversaire du décès de l’icône africaine, on
réalise qu’au Bénin, le nouveau locataire de la Marina fait montre d’un
leadership exceptionnel qui ressemble fort étrangement à celui du regretté Thomas
Sankara.
« Il me plaît de rappeler en cette période commémorative
de son décès, que Thomas Sankara est une icône qui nous a tant inspirés et qui
représente beaucoup pour nous en termes de dignité sur le continent
africain », déclarait Patrice Talon, à Ouagadougou le 10 octobre dernier,
lors du point de presse conjoint qu’il a tenu avec son homologue Roch Marc
Christian Kaboré, à l’issue de leur tête-à-tête.
Si cette phrase est peut-être passée inaperçue dans le compte
rendu à vif de la tournée du chef de l’Etat dans la sous-région, un activiste
du web a eu la bonne idée de la valoriser, ce dimanche 15 octobre, à l’occasion
du 30è anniversaire de la disparition de cette icône
incommensurable. Alors, on peut se demander s’il y a un lien possible entre feu
Thomas Sankara et le président Patrice Talon.
Des signes évidents
Il est des signes qui ne trompent pas. Patrice Talon n’est
pas Thomas Sankara certes, mais il y a, assurément, des traits communs chez ces
deux dirigeants, à 30 ans d’écart.
Thomas Sankara, c’était le révolutionnaire assumé. Patrice Talon
ne se proclame pas révolutionnaire mais, à y voir de près, il ne l’est
certainement pas moins.
D’abord, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, l’homme se pose
en réformateur ambitieux et déterminé. C’est de la révolution en soi.
Les décisions courageuses qu’il prend, au risque de nuire à
des groupes d’intérêts et de s’exposer à leurs critiques acerbes, l’illustrent.
Surtout celles consistant à assainir la gestion des finances publiques. Certes,
parce qu’il provient du monde des affaires, tout ce qu’il touche et qui a un
caractère économique conduit certains à le soupçonner a priori de vouloir s’en
mettre plein les poches. Mais il faut voir la redistribution objective,
structurelle que son gouvernement fait des économies réalisées, pour se
convaincre que ses efforts produisent des résultats au profit de l’ensemble.
Thomas Sankara n’aurait pas fait autre chose.
Thomas Sankara se battait pour la scolarisation de tous les
enfants du Burkina Faso et a fait passer le taux de scolarisation de 5% à peine
à 22% au moins en 4 ans. Ici, 30 ans plus tard, les réalités de l’époque ne
sont pas celles d’aujourd’hui, mais Patrice Talon se bat pour que les enfants
du Bénin, les plus démunis notamment, aillent à l’école et y restent. S’il est
vrai qu’il a hérité du programme de cantines de ses prédécesseurs, en un an à
peine de gestion du pouvoir, il lui a donné une dimension nouvelle en
multipliant par sept le montant dédié au programme, et surtout en l’inscrivant
dans une perspective durable et efficace. Ce programme, selon une déclaration
conjointe des deux ministres en charge des enseignements à la base, impactera au moins 351.000 enfants par an. De
quoi booster effectivement le taux de scolarisation.
Thomas Sankara prônait l’accès à l’eau pour tous. Même s’il
n’y est pas parvenu, l’ambition était là. Aujourd’hui que fait Patrice Talon au
Bénin ? Lors de sa visite au Ghana le 11 octobre dernier, face à ses
compatriotes qui y vivent, il déclarait : « … cela n’a l’air de rien
mais l’eau est la première priorité de nos compatriotes. J’ai découvert cela au
cours de la campagne électorale ». On comprend donc que, dans son discours
de prestation de serment, il ait déclaré vouloir faire de l’accès à l’eau
potable et à l’électricité, un droit fondamental pour tout citoyen. On comprend
davantage qu’il déploie des efforts, depuis qu’il est en place, pour réaliser
cette ambition.
En effet, en un temps record, il a mobilisé des dizaines de
milliards de FCFA comme les 50 milliards pour le programme de fourniture d’eau
potable dans les Collines, ou encore les 27 milliards pour le Zou. Avant cela,
les efforts avaient consisté à renforcer l’existant à Parakou, et à fournir la
commune de Tchaourou.
Sur le front de l’électricité, les faits parlent encore pour
lui. Après les efforts de maîtrise du délestage, cap est mis sur la
construction de centrales électriques pour autonomiser le Bénin en matière
d’énergie électrique.
On le voit bien, la propagande et les grands discours en
moins, Patrice Talon fait du « Sankarisme ». Ici se comprend
davantage sa phrase indiquant que l’homme fut un inspirateur pour sa génération
et un chantre de la dignité de l’Afrique.
Sankara, un repère immortel
Quand on regarde bien, que voit-on ? Si Sankara vivait,
il aurait 68 ans en décembre prochain, soit 10 ans pratiquement de plus que l’actuel
président de la République du Bénin. Quel jeune des années 80 peut vraiment
dire que Sankara ne l’a pas marqué ?
Par ailleurs, que faisait Sankara ? Il invitait les Africains
à la dignité (soulignée par le président Patrice Talon) et à la responsabilité.
Que fait aujourd’hui Patrice Talon ? Il prône le sens de responsabilité et
la dignité. Tout au long de son récent périple par exemple, pour choisir les
exemples les plus frais, il n’a eu de cesse d’en appeler à un réarmement moral,
proclamant que l’on peut être pauvre et digne, propre. Il suggère même que l’on
peut être pauvre et faire des économies dans sa pauvreté, parce qu’on aspire à
mieux, afin de relever son niveau de vie au bout de quelques années. Il
souligne à l’envi que ce ne sont pas les richesses naturelles qui font le
développement, mais le sens de responsabilité et la qualité de la gouvernance…
En somme, Patrice Talon est tout aussi pratique et
pragmatique que Sankara le fut. Mais on ajouterait que la démarche de Patrice Talon
est empreinte de prudence. Ce qui n’a pas toujours été le cas de Sankara qui,
s’il vivait encore, aurait sans doute appris et ferait preuve de beaucoup de
circonspection langagière pour avancer.
Sans doute, pour ce qu’il nous donne à voir de lui, Patrice
Talon dans sa posture de chef d’Etat ne prétendrait pas à cette comparaison,
mais c’est encore votre journal qui avait déjà décrypté son style il y a
quelques mois, et le qualifiait de réformateur. Les quelques faits évoqués tout
au long de ce texte sont de nature à nous conforter dans notre lecture.
NB: Article à lire dans le quotidien béninois, Nouvelle Expression du mardi 17 octobre 2017
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